Sécurité locale: polices territoriales, polices municipales, gardes champêtres, ASVP et autres sujets
  Sécurité sur la terre de glace et de feu: La police islandaise
 

Sécurité sur la terre de glace et de feu: La police islandaise

 

La sécurité est désormais un objectif prioritaire de l'ensemble des gouvernements. Cependant, les moyens d'action diffèrent selon les contraintes culturelles et géographiques propres à chaque État. Voyons comment la police d'un état possédant une faible densité de population, l'Islande, s'est adaptée à ses contraintes.

 

L'Islande est la deuxième île européenne par sa superficie, juste derrière la Grande-Bretagne. Avec 103 000 Km, elle se classe au 105ème rang mondial, représentant ainsi une surface équivalente aux régions Rhône-Alpes, Auvergne et PACA réunies. Cependant, elle ne compte que 310 000 habitants, soit à peine 10 000 de plus que le département de l'Ardèche. Comment concilier une si faible densité d'habitants avec les exigences modernes d'une population sensible au sentiment d'insécurité?

 

Une histoire singulière

 

L'Islande est une Nation ayant toujours joui d'une certaine autonomie. Elle a cependant connu plusieurs dominations, notamment la domination norvégienne à compter du 13ème siècle en raison des luttes intestines entre les clans islandais. C'est entre 1262 et 1264 que l'Islande conclut une convention avec la couronne norvégienne confiant la sécurité des Islandais au roi. Localement, ce sont des shérifs, les syslumenn, qui interpellent les criminels, les jugent et les détiennent. Mais ces agents de l'État norvégien ne font que constater les infractions. La prévention et l'alerte ne sont pas leurs priorités.

À partir de 1397, l'Islande revient aux Danois. En 1752, une compagnie du nom de Innréttingar lance un grand projet industriel à Reykjavik, marquant ainsi le début du développement urbain de la cité. Pour assurer la sécurité de ses propriétés sur l'île, la Innréttingar envoie des gardiens. Ces derniers sont, sur bien des plans, les véritables précurseurs de la police islandaise. En effet, contrairement aux shérifs norvégiens qui ne traitaient que l'aspect judiciaire, ces gardiens privés effectuent des patrouilles sur les immenses propriétés de la société et donnent l'alerte en cas d'événement tel un glissement de terrain ou un incendie. Ces missions relèvent encore aujourd'hui de la police islandaise.

En 1803, Reykjavik devient une juridiction distincte au sein du royaume danois. Elle accueille un magistrat, un avocat et deux policiers, tous nommés par décret royal. L'Islande acquiert ainsi une relative indépendance administrative concernant sa sécurité. La situation restera ainsi jusqu'au début du XXème siècle.

Le 9 novembre 1932, de violentes émeutes éclatent dans Reykjavik, laissant en piteux état les forces de police alors gérées par la ville. Cette dernière ne peut dès lors plus faire face seule à cette mission. En 1933, le Police Act est conclu entre l'État danois et Reykjavik. Le premier aidera désormais la seconde à financer ses forces de police, mais s'impliquera en contrepartie dans la définition des objectifs à atteindre dans ce domaine. Ce document précisera également les fonctions, droits et devoirs de la police. C'est ce Police Act, maintes fois réformé, qui régit encore aujourd'hui la répartition des tâches dans la police islandaise.

 

Une tutelle et une organisation originales

   

La police islandaise, depuis l'indépendance, dépend hiérarchiquement du Ministère de la Justice. En effet, il n'a jamais existé dans ce pays de Ministère de l'Intérieur. Une telle curiosité est due à l'histoire de cette petite Nation.  Les attributions qui sont habituellement dévolues au Département de l'Intérieur sont réparties entre d'autres ministères. Celles relatives à la sécurité intérieure (tutelle de la police, des Garde-Côtes, etc.) sont traditionnellement exercées par le Ministère de la Justice (chargé en outre des Affaires ecclésiastiques).

Le Ministère des affaires étrangères, par le canal d'une "Agence de Défense", nouvellement créée,  assume la responsabilité de la sécurité extérieure et de la défense, ainsi que des relations avec les Alliés de l'OTAN -les États-Unis en premier lieu- qui seraient amenés à intervenir en cas de danger pour l'Islande, celle-ci n'ayant pas d'armée. L'"Agence" participe entre autres -en liaison avec l'OTAN- à la surveillance aérienne de l'île (radars), grâce à des personnels spécialisés. Une collaboration étroite entre la police, les pompiers, les équipes de sauvetage et de secours (tous relevant de la Justice) et les Affaires étrangères ("Agence") va être institutionnalisée par la loi , aussi bien en cas de "risques" et de menaces sur le pays qu'en temps ordinaire. Dans le cadre de cette coopération, les attributions et tâches de chaque organe sont clairement précisées.

 

C'est également l'histoire qui explique l'absence d'armée nationale islandaise. L'Islande est reconnue comme État souverain en 1918, mais n'est pas indépendante. L'île se trouve alors sous le régime de l'union personnelle avec le Danemark: le roi danois est également roi d'Islande, mais il a bien deux États distincts. Le gouvernement islandais se déclare dès cette date perpétuellement neutre. Il comptait sûrement sur l'isolement et l'absence de richesse dans le sol de l'île pour garantir une certaine tranquillité. Mais dès 1933, la position stratégique de l'île a rapidement attiré les convoitises de l'Allemagne nazie, et les Britanniques préfèrent envahir ce territoire le 10 mai 1940 afin d'éviter qu'elle ne tombe aux mains de l'ennemi. À l'issue du conflit, l'Islande conclut en 1951 un accord par lequel sa sécurité extérieure est confiée aux États-Unis. Cet accord a régi la sécurité extérieure islandaise jusqu'en 2006. Le pays ne dispose donc pas d'armée, mais a néanmoins créé une unité de réponse aux crises qui est déployée sous mandat international (souvent de l'OTAN) sur les théâtres d'opération extérieurs comme l'Afghanistan. Elle compte une centaine d'hommes qui appartiennent en partie à la police ou aux garde-côtes, et en partie à divers corps civils (techniciens, services de santé).

Membre fondateur de l'OTAN en 1949, l'Islande a laissé en juin 1951 la responsabilité de l'emprise de l'aéroport de Keflavik aux États-Unis, expliquant, par là même, la tutelle du ministère des Affaires Étrangères sur les forces de police s'y trouvant.

 

Le système judiciaire islandais est proche du modèle accusatoire anglo-saxon.

Le Director of public prosecutions est spécialement chargé d'instruire et de poursuivre les affaires les plus importantes ou impliquant plusieurs districts de police. Il est placé hors hiérarchie, entre les ministres et le chef de la police. Les affaires de moindre importance restent de la responsabilité des  police commissioners, équivalent des préfets français, mais jouissant de prérogatives élargies en matière judiciaire. Ils disposent ainsi de l'opportunité des poursuites qui appartient, en France, aux parquets. À la tête de chaque district, ils administrent les forces de police de leurs régions dans le respect des grandes lignes fixées au niveau national.

Le National Commissioner of Police est la plus haute autorité administrative de la police islandaise. Il a été créé par la réforme du Police Act en 1996 et remplace le State Criminal Investigation Police (SCIP) créé en 1977. Le National Commissioner of Police a sous sa responsabilité, tous les organes de ce corps: le National Police College, chargé de la formation, la police de l'aéroport de Keflavik et les 25 districts de police. Il exerce le pouvoir disciplinaire, décide de l'organisation territoriale, coordonne le travail des forces entre les différents échelons territoriaux, conseille les autorités politiques sur les choix en matière de sécurité, mais exerce également des tâches administratives (délivrance des cartes grises, licences de débit de boisson, autorisations de détention armes à feu) ou de défense civile (responsabilité du secours aux personnes à terre) qui font de ce service un outil complet en matière d'ordre public. 

Le National Commissioner of Police bénéficie de l'appui de cinq divisions ayant chacune à leur tête un adjoint. Ces divisions réunissent tous les services techniques et logistiques communs aux districts, au collège et à la police de l'aéroport: véhicules, informatique, ressources humaines, administration, coopération internationale, télécommunications, etc. Le National Commissioner est également chargé de la création et de la mise à jour des outils statistiques.

  

Une police réduite mais moderne

 

La police islandaise présente un format réduit vu le territoire à couvrir: 700 personnels. La population peu nombreuse et une délinquance réduite justifient ce chiffre. Ainsi, en 2003, 83 121 infractions ont été enregistrées dans le pays. 72 % étaient des infractions au code de la route, quand 20% seulement de ces faits constituaient une violation du code criminel. Entre 1999 et 2003, on comptait en moyenne un homicide et 13 vols pour 100 000 habitants[1]. Cependant, malgré ce constat avantageux, l'isolement de l'île justifie à lui seul un équipement complet et des équipes autonomes, sous peine d'inefficacité.

Un laboratoire national de police scientifique est ainsi rattaché au National Commissioner. Il contrôle toutes les opérations de police scientifique dans le pays ainsi que les inscriptions dans les banques de données nationales (ADN, empreintes digitales). Les interventions sur le terrain sont gérées par la police de Reykjavik qui maintient, elle aussi, un laboratoire de police scientifique. Les archives des photos et des empreintes collectées sont sous sa responsabilité. En 2001, le fichier des empreintes digitales a été informatisé, le rendant compatible aux autres fichiers européens.

À l'instar de la Gendarmerie française, la police islandaise dispose d'une unité d'identification des victimes de catastrophes. Elle est certes réduite (un médecin légiste, un dentiste et deux policiers), mais sa seule existence démontre bien le souci des Islandais à rester en phase avec l'actualité. Cette unité a ainsi été déployée en 1999 au Kosovo à la demande du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye (Pays-Bas).

Une brigade de lutte contre le trafic de drogue existe également au niveau national, ainsi que des cellules de lutte contre le blanchiment de l'argent sale et la délinquance économique et financière.

La police islandaise dispose d'un groupe d'intervention chargé du maintien de l'ordre et de la gestion des interventions nécessitant un usage des armes. C'est le seul cas où les policiers islandais sont armés. Si chaque policier est formé au maniement des armes à feu, il ne porte qu'une matraque et un container lacrymogène en service courant. Les armes à feu sont proscrites, y compris pour le groupe d'intervention lorsqu'il agit dans le cadre normal du service. La proximité prime ainsi sur la dissuasion.

Ce modèle est-il transposable, en France par exemple ? C'est peu probable. La délinquance, en chiffres et en nature, est totalement différente. Les moyens de la traiter le sont donc aussi.

 

L'avenir

 

En tout état de cause, avec un budget de la police s'élevant en 2007 à 110,2 millions de dollars US (soit 260,3 €/habitant contre 233,7€/habitant en France[2]), la police islandaise parvient à répondre efficacement aux exigences de ses administrés. Pour de multiples raisons, elle devra cependant accroître ses moyens et s'adapter aux multiples changements que connaît en permanence le pays.

 

 

Pour ceux qui veulent en savoir plus :

Aucun ouvrage en français ne traite précisément de la police islandaise. Cependant, le site officiel de cette institution est très bien fait et fournit une bonne documentation en anglais téléchargeable au format PDF: www.logreglan.is

On signalera également l'encyclopédie l'encyclopédie libre Wikipedia : www.wikipedia.org (les articles portant sur l'armée et la police islandaises sont en anglais).


[1]    Source: The Icelandic Police and the Justice System – A short introduction, The National Commissionner of the Icelandic Police, septembre 2005, téléchargeable sur www.logreglan.is.

[2]    Source Wikipedia.org. Budget de la police islandaise en 2007 de 110,2 millions USD pour 309 700 habitants. Budget de la mission « Sécurité » en France en 2007 de 15 683 millions € en crédits de paiement pour 64 102 000 habitants. Taux de change au 24 août 2007 1€=1.38$

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